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Operating losses: the big blur – Emmanuèle Lutfalla and Deborah Azerraf

By Emmanuèle Lutfalla & Deborah Azerraf

Partner Emmanuèle Lutfalla and Associate Deborah Azerraf discuss how litigation in terms of operating losses linked to the Covid-19 pandemic continues to intensify and more specifically, despite differences in interpretation between commercial courts, how the case-law relating to the exclusion clause inserted in certain insurance contracts seems to be taking shape, in La Tribune de l’assurance.

Emmanuèle and Deborah’s article was published in La Tribune de l’assurance, 8 December 2020, and can be found here.

Judgments in respect of operating losses follow one another but are not alike. Commercial courts are in fact unable to identify established case-law on the interpretation of the exclusion clauses mentioned in business losses insurance.

Professionals who were covered by an operating loss guarantee not resulting from material damage, and who were forced from 14 March 2020 to close their establishment due to the health crisis, were denied of exclusion clauses by their insurer.


Le 15 octobre 2020, pour la sixième fois, un Tribunal de Commerce s’est prononcé au fond dans une affaire opposant un assureur à des restaurateurs sur la question de l’application ou non de sa clause d’exclusion de garantie pour pertes d’exploitation. C’est également la quatrième fois qu’il se prononce en faveur de l’assuré.

Le contentieux en matière de pertes d’exploitation liées à la pandémie de la Covid-19 continue de s’intensifier. Plus spécifiquement, malgré des divergences d’interprétation entre les Tribunaux de commerce, la jurisprudence relative à la clause d’exclusion insérée dans certains contrats d’assurance semble se préciser.

Les professionnels ayant souscrit une garantie pertes d’exploitation non consécutives à un dommage matériel et qui ont été contraints à compter du 14 mars 2020, de fermer leurs établissements du fait de la crise sanitaire, se sont pour beaucoup vus opposer des clauses d’exclusion par leurs assureurs. Pour ne pas la citer, la plus “connue” prévoit que “sont exclues – les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique“.

Inondé de réclamations, l’assureur de ces polices intégrant la fameuse clause a adopté une position stricte : celle de l’exclusion de garantie du fait notamment que la pandémie de la Covid-19 atteindrait plusieurs établissements, bien qu’indépendants les uns des autres, sur le même territoire départemental.

De nombreux litiges ont émergé aux quatre coins de la France et ont donné lieu à des interprétations diverses par les Tribunaux. C’est ici l’occasion de revenir sur ce débat.

I – Dans la peau des assurés  

Dès le mois de mai 2020, les assurés ont saisi les juridictions aux fins que soient indemnisées leurs pertes d’exploitation.

Pour la plupart, les assurés utilisent l’article L.113-1 du code des assurances pour combattre l’application de la clause d’exclusion : la clause d’exclusion figurant dans un contrat d’assurance doit être formelle et limitée.

En vertu de cet article, toute clause d’un contrat d’assurance nécessitant d’être interprétée doit être immédiatement écartée.

Les assurés ont donc soutenu que cette clause n’est pas formelle dès lors qu’elle prend des allures de clause “fourre-tout” visant tout à la fois “au moins un autre établissement”, et ce, “quelle que soit sa nature et son activité” laissant alors libre court à l’interprétation.

S’agissant du caractère limité, on retrouve deux arguments principaux :

  • Le premier tient à la notion d’établissement. Les assurés ont rappelé que la définition même de l’épidémie, telle que figurant dans la clause d’extension, implique la propagation d’une maladie contagieuse dans une population, ce qui rend impossible le cantonnement de l’extension de garantie souscrite au cas où la décision administrative de fermeture prise dans le cadre d’une épidémie serait limitée à un seul établissement. Il est, en effet, difficile d’imaginer le scénario d’une épidémie qui s’arrêterait aux portes de l’établissement assuré.
  • Le second tient au fait que le contrat d’assurance est un contrat d’adhésion dont l’assureur est le seul rédacteur et pleinement responsable de la formulation et des garanties offertes.

C’est d’ailleurs en ce sens que le Tribunal de Commerce de Paris a tranché en retenant que devait être condamné l’assureur qui a, par la rédaction de la police, “choisi d’indemniser les pertes d’exploitation subies suite à une fermeture administrative dans le cas d’une épidémie dont il est très improbable, par définition, qu’elle ne puisse concerner qu’un seul et même établissement sur un territoire” (T. com. Paris, 17 sept. 2020, n° 2020022816). Autrement dit, la portée donnée par l’assureur à sa propre clause faisait perdre de sa substance et de son intérêt l’intégralité de la garantie pour pertes d’exploitation.

Ces arguments ont manifestement été entendus par d’autres Tribunaux de commerce, qui ont condamné l’assureur à indemniser les assurés des pertes d’exploitation subies en raison de la fermeture administrative de leurs établissements du fait de la crise sanitaire. C’est le cas notamment des Tribunaux de Commerce de Marseille,[1] de Rennes,[2] de Paris[3] et de Tarascon.[4]

II – La défense des assureurs

Les assureurs, s’ils étaient condamnés définitivement en application de ces clauses, seraient contraints d’indemniser par milliers les professionnels qui ont été contraints de fermer leurs établissements. Ils ont, en conséquence, développé une batterie d’arguments aux fins d’échapper à la mobilisation de leurs polices.

Sur la notion d’établissement, l’assureur précise que la clause d’exclusion ne vide pas de sa substance l’extension de garantie. Elle vise au contraire à limiter la garantie à la survenance de l’évènement dans le seul établissement de l’assuré. Par conséquent, le contrat n’a pas pour vocation d’indemniser une épidémie généralisée au territoire et encore moins une pandémie telle que celle de la Covid-19. La formulation de la clause d’exclusion était donc claire, sans porter à confusion et avait pleinement vocation à s’appliquer au cas d’espèce.

En d’autres termes, contrairement à ce que soulèvent les assurés, une épidémie peut tout à fait ne concerner qu’un seul établissement et c’est précisément ce cas de figure qui a pour seule vocation d’être couvert par la garantie. Autrement dit, la définition du Larousse aurait été mal interprétée en ce qu’une “population” peut parfaitement concerner la population d’un même et seul établissement, et non pas nécessairement celle d’un département ou d’un pays entier. La clause d’exclusion était, par conséquent, claire, précise et non équivoque. Cet argument a été entendu, dans une moindre mesure néanmoins, par les Tribunaux de commerce de Toulouse[5] et de Bourg-en-Bresse.[6]

Mais qu’en est-il alors lorsque plusieurs établissements sont assurés au titre d’une même police ?

Si une épidémie peut effectivement ne concerner qu’un seul établissement, ce cas de figure serait-il tellement improbable que la clause d’exclusion devrait être considérée comme privée de sa substance malgré tout ?

Interrogé après le jugement rendu à Tarascon, un assureur a confirmé qu’il y avait une véritable divergence d’interprétation de sa clause d’exclusion de la part des Tribunaux, tout en indiquant que tous les jugements qui seraient rendus en sa défaveur seraient frappés d’appel.

Quoiqu’il en soit, il est certain que le contentieux lié à la perte d’exploitation va s’intensifier dans les prochaines semaines et mois à venir et risque d’occuper les juridictions pendant un long moment, et ce d’autant plus que le débat va très probablement s’ouvrir, dans les prochaines semaines, sur d’autres wording de clause d’exclusion, à l’image du jugement qui a été rendu par le Tribunal de Commerce d’Annecy le 20 octobre dernier  et ayant refusé d’appliquer une clause excluant les épidémies causées, notamment, par des “microorganismes“.[7]

[1] TC de Marseille, 15 octobre 2020, RG n° 2020F00893 et RG n° 2020F00894

[2] TC de Rennes, 24 septembre 2020, RG n°2020F00165

[3] TC de Paris, 17 septembre 2020 RG n° 2020022816, RG n° 2020022819, RG n° 2020022825, RG n° 2020022823 et RG n° 2020022826

[4] TC de Tarascon, 24 août 2020, RG n° 2020001786

[5] TC de Toulouse, 18 août 2020, RG n° 2020J00294

[6] TC de Bourg-en-Bresse, 24 août 2020, RG n° 20200033659

[7] TC d’Annecy, 20 octobre 2020

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